Friday, April 30, 2010

Le langage réel des Mathématiques

On a calculé que, si l’on cherchait à écríre en langage formalisé un objet mathématique aussi simple (en apparence...) que le nombre 1, on trouverait un assemblage comportant plusieurs dizaines, de milliers de signes (les signes fondamentaux sont en très petit nombre, mais chacun d'eux peut naturellement être répété un grand nombre de fois dans un même assemblage). Le mathématicien qui essaierait de manipuler de pareils assemblages ressemblerait à l’alpiniste qui, pour choisir ses points d'appui sur une paroi rocheuse, examinerait celle-ci au microscope électronique.
On utilise donc, dans la pratique, une multitude d’abréviations (par exemple la lettre grecque π, le signe +, des mots du langage ordinaire, tels que «nombre», «point», «droite», «fonction», et ainsi de suite); celles-ci sont destinées à représenter par de nouveaux signes simples des assemblages compliqués de lettres et de signes fondamentaux, ou même des assemblages faisant intervenir en outre des signes abréviateurs déjà introduits. Quand il a introduit suffisamment d'abréviations d'assemblages de signes fondamentaux, puis d'abréviations d'assemblages d'abrétions, puis d'abréviations d'assemblages d'abréviations d'assemblages d'abréviations, et ainsi de suite, le mathématicien cesse de penser (*) à la définition complète et détaillée des objets qu'il a ainsi construits; il ne garde présent à l'esprit que la façon de passer d'un échelon de complication à l'échelon immédiatement précédent (ce qui constitue la définition, au sens usuel du terme, de l'abréviation considérée), et ne cherche pas à redescendre de proche en proche jusqu'au langage formalisé; à la limite, on en arrive souvent à raisonner sur les abréviations introduites comme si elles constituaient des signes primitifs au même titre que les signes fondamentaux du langage formalisé (c'est ainsi que Hilbert, dans son étude des fondements de la Géométrie, introduisait a priori trois notions primitives — celles de point, droite et plan — sans chercher aucunement à les définir, et en se bornant à en dresser le mode d'emploi).
(...)
(*) On devrait mênie dire: ne peut plus penser.
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(Roger Godement, Cours d'algèbre)

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